Revue Z15
Bichromie rose et noir
Format : 210×308 mm, 192 pages
Sortie en librairie : mai 2022
5000 exemplaires
Conception Graphique & Cartographie :
Isabelle Le Roux & Malou Eude
Imprimeur : Corlet, Normandie.
Numéro actuellement disponible en librairie
15 euros / ISBN 9782491109073
Disponible ici
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Montagne Limousine
Fôrets désenchantées
Mars 2022. Le symbole « Z » envahit les écrans télé, visible sur les chars d’un dictateur russe qui massacre des civil·es ukrainien·nes ou sur les affiches de campagne d’un candidat d’extrême droite à la présidence française. À notre grande tristesse, le fascisme a rendu odieuse l’une de nos lettres préférées… Sans compter qu’une pénurie internationale de papier avait déjà hypothéqué la publication de ce numéro quelque temps auparavant. Fallait-il y voir un signe ? Le moment de changer de format ? de nom ? Ou carrément d’arrêter cette revue au long cours, réalisée patiemment dans l’espace d’un an ? Mais nous avons tenu bon et, à défaut de trouver notre autonomie face à l’industrie capitaliste du livre et sa temporalité chaotique, nous avons remonté la filière de la pâte à papier et plongé dans les méandres de l’industrialisation des forêts. Nous avons convergé depuis le Finistère, le Perche, les Cévennes, la Drôme, Lyon, Marseille ou encore la région parisienne vers les sous-bois aux couleurs d’automne de la Montagne limousine. Depuis un siècle, sur ce bout de terre du centre de la France, des arbres ont été plantés en rangs bien serrés et la machine industrielle forestière s’est mise en branle, maltraitant inlassablement les corps et les écosystèmes. Une réalité bien loin de la forêt fantasmée par les chantres du développement personnel qui y voient une possibilité de déconnexion et de ressourcement, ou par les classes aisées qui la prennent d’assaut pour y télétravailler au grand air. Derrière le mirage vert d’une filière qui se prétend écolo et renouvelable, les suicides se multiplient parmi les salarié·es de l’Office national des forêts et de gigantesques coopératives forestières accaparent la « ressource bois ». Les entreprises les plus fortunées rachètent et plantent des arbres à marche forcée sur des terres paysannes, prétendant ainsi compenser leurs émissions de CO2. Tout cela avec le soutien du ministère de l’Agriculture et plus largement de l’État, dont la police n’hésite pas à s’acharner sur les habitant·es qui tentent de faire exister un autre discours sur la « gestion » de la forêt. Depuis les sentiers à l’ombre des bois, on a suivi le bruit des tronços et des abatteuses autant que l’écho des chants de lutte. On a écouté les récits de celles et ceux qui ont été arraché·es à leurs territoires, anciennes colonies, pour fournir une main-d’œuvre bon marché à l’industrie galopante et qui, malgré l’épuisement, ne se laissent pas abattre. Ou encore de celles et ceux pour qui la forêt est une question de survie, un espace de refuge, et de toutes les personnes qui, à la lisière des logiques productivistes, tissent d’autres rapports aux mondes forestiers en expérimentant des imaginaires et des pratiques émancipatrices.
Montreuil-sous-Bois, le 2 avril 2022