Etat des Lieux #02



Numéro 02, L’Ironie des Fantasmes, 2018-19.
340 exemplaires.


La revue est réalisée et éditée par la Collective État des Lieux :Carole Berthonneau, Lena Desvigne, Camille de Jerphanion, Malou Eude, Anne-Laure Iger et Lisa Raport.

Conception graphique : Malou Eude.

Imprimé en risographie aux Ateliers du Toner, en mai 2019, sur du papier Arcoprint Milk 100gr et Arcoprint EW 225gr, en Medium Blue et Flat Gold.

Il est composé en Solid Mirage, fonderie Velvetyne et en Wremena, fonderie The Temporary State. Ces typographies sont toutes les deux libres de droit.

ISSN : 2593-5178









On marche éparpillées en petites grappes, dans les bois. Entre les gouttes, sous les branches, emmitouflées dans des écharpes, des lainages et des gants, on se serre un peu les unes contre les autres. On se raconte les contributions naissantes - les mots volent, se répondent, s’enlacent et se collent dans la buée. A travers le froid, on dévoile nos aventures et arcanes afin de tisser une histoire entre elles et nous. Au détour d’un chemin forestier, perdues dans les Ardennes, blotties près d’un âtre, les choses doucement se révèlent. D’un impensé semble doucement émerger une forme collective imprécise mais déjà ardente.
C’est peut-être là,lors de cette escapade hivernale à la campagne, que s’invente ce deuxième numéro d'État des Lieux. Du moins, c’est là que le vrai dialogue commence, cherchant à dénouer certains de nos espoirs, désirs et engagements.
Et c'est là que l'on imagine, perdues au milieu du vent, un espoir collectif de défi au monde, à ses repères et ses lois ; un désir encore vacillant mais déterminé de célébration du réel, libéré.

Le comment était à faire

En avril 2018, le premier numéro d’État des Lieux voit le jour. Au début de l’été, l’expérience à peine digérée, la machine est relancée avec le désir de fabriquer une nouvelle édition dans une dynamique plus collective.
Au fil des séances de travail hivernales, se précisent l'enjeu de ce que nous mettons en place ; créer une revue n'est pas innocent. Elle va nous ressembler, elle doit nous ressembler car nous parlons d'un espace-temps qui n'appartient qu'à nous. Ses contours sont les nôtres, et il s'agit alors de faire l’ébauche de ce nous, une question déjà soulevée dans le premier édito lorsqu’étaient justement interrogés les contours flous de l'engagement. Cet exercice délicat nous a fait prendre conscience de la diversité de nos attentes, terrains de luttes et modes opératoires, mais surtout nous a appris à les mettre en résonance.
Nous sommes six, six paires d'yeux, six bouches, six corps, six parcours qui soudainement convergent vers le désir de faire ensemble l’exercice de la critique et de l’engagement. Et (c'est là où la chose se corse) plus encore qu'un exercice amical, installé dans un entre-nousconfortable et privilégié, nous souhaitons construire un espace support, ouvert et libre, que d'autrespourraient eux aussi modeler, et nourrir.
Plus facile à dire qu'à faire, on vous laisse imaginer. Noussommes à la fois juge et partie, et c'est un jeu permanent de savoir où ons'arrête, où ielcommence. L'altérité contingente doit devenir nécessaire : le fantasme est beau et le désir sincère.
Ce deuxième numéro d'Etat des Lieux en est l'ébauche, un balbutiement encore maladroit, qui cherche sa forme et sa force, qui aime, qui se trompe, qui refuse et qui blesse. De la profusion des contributions, il résulte un assemblage qui tient plus d’une mise en tension que d’une harmonisation. Alors, se succèdent pêle-mêle les genres littéraires, les thèmes et les approches.

Quand l’ironie des fantasmes fait ressurgir l'expérience vécue

Suite à cette deuxième invitation, placée sous le signe des fantasmes et de leurs douces ironies, les contributions se révèlent plurielles : poèmes solaires ou graphiques, chansons d'amour à lire et à entendre, chroniques urbaines ou cinématographiques, journaux de luttes et d'intimité.
Cette diversité de réponses, en se saisissant des objets de fantasmes situés sur différents tableaux, voguent dans des eaux troubles et tumultueuses, entre l’intime et le politique. D’une acception sémantique première renvoyant à la sexualité, le fantasme s'utilise ici comme un outil de recherche de l’altérité ou de soi, voire l'imagination d’un autre monde, dénonçant le réel, déconstruisant des territoires. Et lorsque l'ironie s'en mêle et s'emmêle, l'(auto)dérision s'immisce et le récit se teinte, sans amertume, de désillusions créatrices et critiques.
Sil’expérience vécue n’était considérée que comme une thématique “de passage” lors du premier numéro, elle se révèle donc aujourd’hui être l’un des fondements de notre ligne éditoriale. Devenir « sachants » de nos propres expériences, c'est accéder à la formulation d'une pensée introspective et située, à la croisée d’une approche engagée et théorique ; c'est faire appel à l'humilité d'une pensée en mouvement, qui puise son énergie dans le vécu, les sensations et la matière. Une pensée qui répond et qui fait écho à, qui ne se veut pas être la dépositaire d'un savoir mais un défi permanent à l'immobilité.

Une pensée qui, on l'espère de tout notre coeur, parle pour mieux écouter.